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Le libellé d’une clause de force majeure ne peut servir de prétexte pour tenter d’échapper aux conséquences de son mauvais plan d’affaires

9 août 2022

Par Me Laurent Fournier avec la collaboration de Sabrina Roberge

 

 

Ensyn, une entreprise de distribution de carburants renouvelables sur le marché américain, loue d’IMTT trois réservoirs pour l’entreposage de millions de litres de combustibles dans la région de Québec.

Le contrat comprend une clause de force majeure, laquelle prévoit, entre autres, qu’Ensyn pourra se décharger de ses obligations dans l’éventualité d’une pénurie de carburant, le tout pourvu qu’une telle situation ne soit raisonnablement sous son contrôle.

Au moment de la conclusion du contrat de location, Ensyn est consciente que le produit qu’elle entend entreposer dans les réservoirs loués n’a toujours pas reçu l’aval des autorités environnementales américaines.

Du moment où il devient clair que le produit en question n’obtiendra pas la certification règlementaire requise aux États-Unis, Ensyn invoque la clause de force majeure en soutenant (1) qu’elle est en présence d’une pénurie de carburant et (2) que la situation ne relevait pas de son contrôle.

La Cour rejette les prétentions d’Ensyn dans les termes suivants :

 

[52] L’optimisme d’Ensyn relativement à la qualification par les autorités américaines du produit qui serait manufacturé par AECN ne modifie pas le fait que la tournure des événements défavorables aurait pu être certainement envisagée et aurait même dû l’être dans le cadre d’un plan d’affaires réaliste.

[53] Une déconfiture de cette nature ne correspond certes pas à la définition de « fuel shortage » hors de son contrôle, tel que le prévoit la clause 6.2 du contrat. Cette éventualité aurait dû être considérée; ne pas l’avoir fait relève soit d’un risque d’affaires dont la décision était assumée en toute connaissance de cause par les diverses entités concernées, soit le fruit d’une analyse négligente de la situation. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un événement donnant ouverture à l’application de la clause 6.29.

[54] Vu la conclusion du Tribunal à la question 2 que l’Avis de force majeure ne se qualifie pas comme une situation de force majeure prévue par les parties à la clause 6.2 de leur entente, Ensyn ne peut prétendre aux ordonnances qu’elle recherche sur une base permanente et il y a lieu de passer au chapitre 2.2 des questions en litige.

 

Ce jugement est un autre rappel comme quoi l’intention des parties aura préséance sur les arguments de sémantiques, si intéressants soient-ils.

 

 

Veuillez noter que le jugement dont il est fait mention à ce billet a été porté en appel. Au moment de publier ces lignes, aucun jugement n’a été rendu par la Cour d’appel.