arrow_back Retour aux articles

Une directrice générale de municipalité est remerciée : peut-elle cumuler des recours?

8 septembre 2023

 

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans une cause du Tribunal administratif du travail, Farman c. Municipalité de Ste-Monique, une directrice-générale et trésorière se fait destituer quelques mois après sa nomination dans des circonstances tumultueuses et vexatoires.

Sa courte durée d’emploi limite ses possibilités de recours et elle ne peut contester sa destitution en vertu du Code municipal. Elle se tourne donc vers les tribunaux civils, où elle dépose une demande introductive d’instance pour réclamer un préavis et des dommages. Elle dépose en plus une plainte à la CNESST en vertu de l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail qui encadre la question du harcèlement psychologique qu’elle allègue avoir subi.

La partie défenderesse tentera de faire rejeter cette plainte lors de l’audience devant le Tribunal administratif du travail. C’est cette question procédurale qui retient plutôt l’attention de ce blogue – le tribunal se déclarera compétent pour juger de la plainte malgré le recours civil en cours.

Voyez plutôt :

 

 

[8]         La plaignante a exercé deux recours prenant appui sur la même trame factuelle. Un recours civil[4] par lequel elle cherche à obtenir un préavis raisonnable de fin d’emploi et une indemnité pour les dommages moraux subis[5], et une plainte au Tribunal afin de faire reconnaitre qu’elle a été victime de harcèlement psychologique.

[9]         L’employeur invite le Tribunal à faire preuve de prudence dans l’exercice de sa compétence, considérant que le recours civil est toujours pendant devant la Cour du Québec. Il plaide en substance que les inconvénients qui se rattachant à la fin d’emploi seront compensés, le cas échéant, par l’octroi d’un préavis. Il en est de même des dommages moraux, s’il est démontré que l’employeur a commis un abus de droit[6].n

[10]      Le Tribunal ne peut souscrire aux prétentions de l’employeur.

[11]      Ces deux recours sont différents, ont des objectifs distincts et peuvent être cumulés. « Le Tribunal n’a pas à abdiquer sa compétence exclusive dès qu’un autre Tribunal doit se prononcer sur un recours qui a un lien avec celui dont il est saisi »[7].

[12]      Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal doit exercer sa compétence exclusive[8] pour décider du bien-fondé d’une plainte de harcèlement psychologique. Il ne lui revient pas de se prononcer sur la justesse de la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi. Cependant, le Tribunal dispose de toute la latitude nécessaire afin de déterminer s’il est en présence d’une situation de harcèlement psychologique, laquelle peut prendre sa source dans les événements survenus à l’occasion de cette fin d’emploi.

[13]      De plus, en l’instance, les règles applicables pour l’octroi de dommages moraux se distinguent de celles des tribunaux de droit commun. En matière civile, des dommages moraux ne peuvent être accordés que s’il y a une preuve d’un abus de droit. Ils seront attribués si l’employeur a agi de mauvaise foi, de façon arbitraire ou encore lorsque le salarié a subi un préjudice sérieux à sa réputation ou qu’il a été congédié de façon humiliante, dégradante ou blessante[9]En matière de harcèlement psychologique, cette mesure de réparation est expressément prévue à l’article 123.15 de la LNT et il n’est pas nécessaire de recourir à la théorie de l’abus de droit pour compenser ce type de dommages[10].

[14]      S’abstenir de se prononcer sur le bien-fondé de la plainte reviendrait à refuser d’exercer la compétence dévolue au Tribunal.