Par Me Antoun Alsaoub, avec la collaboration d’Émilie Faubert
Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a engagé le défendeur afin rédiger un rapport sur les conséquences d’un programme d’amélioration du système de santé local au Burundi. Il ne termine pas le rapport et la demanderesse intente un recours en injonction pour le forcer à le faire.
Ce litige a ensuite fait l’objet d’une transaction par laquelle le défendeur s’est engagé à remettre son rapport à une date prévue, mais ce dernier n’a pas rencontré l’échéance. Le CHUM a alors demandé au tribunal d’homologuer la transaction, demande qui fut accordée par le juge. Le jugement sur homologation contienait une ordonnance dont les termes sont clairs, faciles à comprendre et ne sont pas ambigus. Reprochant au défendeur d’avoir fait défaut de respecter l’ordonnance, le CHUM a obtenu une ordonnance lui enjoignant à comparaître pour répondre à une accusation d’outrage au tribunal.
La Cour expose les critères du recours pour outrage au tribunal:
[12] La procédure d’outrage au tribunal est de nature quasi pénale et doit être respectée strictement. Afin de réussir, la poursuivante doit prouver hors de tout doute raisonnable que:
1) l’ordonnance dont elle allègue la violation est claire et que la partie poursuivie savait ce qu’elle devait ou ne pouvait pas faire;
2) la partie poursuivie connaissait l’ordonnance;
3) la partie poursuivie a contrevenu à l’ordonnance en posant ou en omettant de poser les gestes interdits (l’actus reus); et enfin,
4) la partie poursuivie a contrevenu à l’ordonnance intentionnellement (la mens rea).
Malgré que l’actus reus et la mens rea aient été établis hors de tout doute raisonnable, le tribunal rappelle que la décision de condamner une personne pour outrage au tribunal demeure discrétionnaire et que cette procédure ne doit pas constituer un mode d’exécution d’ordonnances judiciaires ou de contrats.
Or, en l’espièce, le CHUM cherche à faire exécuter en nature les obligations contractuelles du défendeur. Selon le Code civil du Québec, l’exécution en nature d’une obligation contractuelle peut seulement être demandée « dans les cas qui le permettent »[1]. La Cour explique donc que les tribunaux s’abstiennent d’ordonner l’exécution en nature lorsqu’il s’agit d’un obligation qui implique une participation personnelle du débiteur. Dans ce cas, l’exécution en nature consiste en un travail personnelle, intellectuel, d’analyse et de rédaction que seul le défendeur peut accomplir.
Il était impossible de forcer l’exécution en nature en l’espèce et une ordonnance éventuelle aurait violé la liberté d’expression du défendeur. Ce dernier n’a pas agi en défiance de l’ordonnance mais plutôt selon les principes scientifiques qu’il croit devoir suivre. Donc, malgré qu’il ne fait aucun doute que le défendeur n’ait pas respecté l’ordonnance, il a été acquitté de l’accusation d’outrage au tribunal.
[1] Art. 1590 et 1601 du Code civil du Québec